RECHERCHE D'EMPLOI ET BIEN-ÊTRE : QUEL RÉSULTAT ?

Effet du chômage sur la santé mentale, chômage et dépression, psychologie du travail

Le chômage résonne dans le quotidien des millions de personnes concernées bien plus concrètement que ce que le chiffre mensuel annoncé au détour des JT ne le laisse imaginer. Déprime et mal-être ou occasion de se redécouvrir et de profiter : tout le monde ne réagirait pas de la même manière face au chômage. Pourtant, dans les études sur le lien entre chômage et bien-être psychologique, une même tendance se dégage... depuis déjà 80 ans !

80 années d'études sur la santé mentale des chômeurs... 1 résultat.

En effet, comme « chômage » rime souvent avec « courbe », « croissance » et « élections », on en oublierait presque que le phénomène, qui touche entre 2,8 et 4,2 millions de personnes en France métropolitaine (INSEE au 1er semestre 2016), a des répercussions réelles sur le quotidien des gens concernés. Qu'en est-il de leur bien-être psychologique ? Les premières études sur la question du lien entre chômage et santé mentale datent de la grande crise de 1930. Depuis, les études se sont multipliées.

Chômage précoce : effets à retardement

Hamarstöm A. et Janlert U. (2002) ont suivi plus de 1000 jeunes depuis l'âge de 16-18 ans jusqu'à leurs 30-32 ans. Ceux ayant subit un épisode de chômage précoce ont plus tendance que les autres, 14 années plus tard, aux addictions (tabac et alcool), à des problèmes somatiques comme les maux de tête, les plaintes gastriques, les allergies, les infections, et enfin à des symptômes psychologiques comme l'anxiété, le manque de concentration, des problèmes de sommeil, de l'agitation.

Chômage : plus de.... décès ?

Gerdtham U.G. et Johannesson M. (2003) ont montré que parmi les 30 000 adultes qu'ils ont interviewé entre 1980 et 1986, ceux qui ont été au chômage pendant cette période ont un risque supplémentaire de 46% d'être décédées en 1996, par suicide ou maladie somatique (tous les sujets avaient les mêmes caractéristiques de santé au début de l'étude).

Davantage de dépression chez les chômeurs

L'étude de Paul K et Moser K (2006) montre que globalement, dans un pays occidental, les taux de désordres psychologiques mineurs et de dépression dans la population se répartissent ainsi : 9% pour les personnes qui travaillent, 11% pour les étudiants, 16% pour les retraités, 18% pour les hommes et femmes au foyer, et... 23% pour les chômeurs !

Alors le chômage :  l'œuf ou la poule ?

Vous l'aurez compris : depuis 80 ans, toute la littérature sur le sujet s'accorde à dire que globalement, le chômage est associé à un mal-être psychologique et est relié à une moins bonne santé mentale et physique. Précisons tout de même qu'être au chômage ne signifie pas systématiquement avoir des difficultés psychologiques, car les résultats des études ne sont pas « homogènes » (pour certaines personnes il n'y a pas de lien). Mais le chômage est-il la cause des difficultés psychologiques ou est-ce que ce sont ces dernières qui provoquent le chômage ? 

Deux hypothèses s'affrontent : la « sélection » et « l'exposition ».

Pour l'hypothèse de « sélection », le lien entre chômage et santé mentale s'expliquerait ainsi : les personnes auraient tendance à ne pas trouver de travail, à ne pas en chercher, ou même à le perdre en raison de difficultés psychologiques pré-existantes (le chômage serait alors un effet des difficultés psychologiques.)

 

A l'inverse, l'hypothèse « d'exposition » propose que c'est le fait d'être au chômage qui affecte la santé mentale (le chômage serait alors une cause des difficultés psychologiques.)

 

Le prochain article nous permettra d'y voir plus clair en découvrant comment répondre à cette question sur la direction de la causalité entre chômage et santé mentale et à en aborder une autre : pourquoi ce lien entre chômage et santé mentale existe-t-il ?

Sources

 Hammarström A. et Janlert U. (2002), « Early Unemployment Can Contribute to Adult Health Problems : Results From a Longitudinal Study of School

Leavers », Journal of Epidemiology and Community Health, 56, pp.624-630

Gerdtham U.G et Johannesson M (2003), « A Note on the Effect of Unemployment on Mortality », Journal of Health Economics, 22, n°3, pp. 505-518

Herman G. (2007), « Chômage, travail et stigmatisation », pp. 65-72.

Paul K et Moser K. (2006), « Quantitative Reviews in Psychological Unemployment Research : An Overview », in T. Kieselbach, A.H. Winefield, C. Boyd et S. Anderson (eds), Unemployment and Health : International and Interdisciplinary Perspectives, Australian Academic Press.

A propos de l'auteur

Quentin THEVENON est Psychologue du Travail à Toulouse. Il vous accompagne en cabinet, à domicile et en entreprise sur la Haute-Garonne pour vous aider à mieux vivre vos situations professionnelles difficiles telles que le stress au travail ou le mal-être au chômage/la recherche d'emploi. Son parcours

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